□ L'Europe spectatrice de l'accord Xi-Trump □ La suppression des tarifs sur les produits industriels américains attendra □ Qui paye les droits de douane américains ? □ Le cinéma européen sous la pression de Washington □ Feu sur l'objectif climat de l'UE □ La France agace sur l'accord UE-Mercosur □ Premier bilan de l'accord avec la Nouvelle-Zélande
BLOCSPRO#3 □ Bonjour, nous sommes le vendredi 31 octobre et voici le troisième numéro de votre condensé d’informations stratégiques sur le commerce international. Une question ou un commentaire sur ce nouveau format ? Une information dont vous voudriez nous faire part ? Écrivez-nous à l’adresse info@blocspro.fr
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TIMING □ Ce devait être une semaine de Toussaint tranquille, sans aucune réunion majeure à se mettre sous la dent, et avec surtout des papiers « froids » pour la rédaction de BLOCS PRO… Il n’en fut rien ! Marqués par le mano a mano sino-américain, qui a débouché sur la trêve commerciale signée hier par Donald Trump et Xi Jinping, ces derniers jours n’ont pas été de tout repos pour les responsables européens, qui ont semblé courir vainement après le temps perdu.
Cette impression de retard inexorable est au cœur de notre article principal, qui raconte le décalage de la réponse européenne aux restrictions chinoises sur les terres rares, mais aussi l’impuissance de la Commission dans le dossier Nexperia, du nom de cette entreprise de micropuces sur laquelle les Pays-Bas ont repris brutalement le contrôle alors qu’elle était possédée par le chinois Wingtech Technology depuis 2018. Vous saurez tout en lisant le premier article de notre section Blocs-notes.
A contrario, l’UE apparaît parfois comme la maîtresse des horloges, comme l’illustre le faible entrain des institutions à avancer vers la suppression des droits de douane sur les produits industriels américains et la malice tranquille du président de la commission parlementaire du commerce international, Bernd Lange. Rendez-vous dans le deuxième de nos Blocs-notes pour en savoir plus.
Timing, encore et toujours, dans la deuxième contribution de notre partenaire, Coface, avec cette semaine, un brief signé Marcos Carias et consacré au poison lent des droits de douane trumpiens pour l’économie américaine. Son analyse à découvrir dans notre rubrique L’œil de Coface.
Sans oublier nos Indiscrétions bruxelloises dans lesquelles nos sources bien informées évoquent pêle-mêle les menaces de Donald Trump sur l’industrie du cinéma européenne, l’agacement que produisent les hésitations françaises dans le dossier UE-Mercosur, et les discussions houleuses autour de l’objectif de décarbonation 2040.
Bonne lecture,
Mathieu Solal - Rédacteur en chef de BLOCS PRO
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FAIT ACCOMPLI □ « Toutes les questions relatives aux terres rares ont été réglées, a déclaré jeudi Donald Trump, à la suite de sa réunion avec Xi Jinping à Séoul (Corée). Et cela vaut pour le monde entier - on peut dire qu’il s’agissait d’une situation mondiale, et pas seulement américaine. Il n’y a plus aucun blocage concernant les terres rares. Espérons que cette expression disparaisse de notre vocabulaire pendant un certain temps ».
Le sujet des terres rares, ces métaux et composés métalliques cruciaux pour l’industrie mondiale, et sur lesquels Pékin bénéficie d’un quasi-monopole, constitue en effet l’un des éléments phares de la trêve commerciale signée jeudi par le président américain et son homologue chinois, Xi Jinping.
Contrairement à ce que laisse entendre le locataire de la Maison Blanche, l’accord politique qu’il vient d’adopter ne semble toutefois pas voué à mettre fin à l’intégralité des contrôles d’exportations de terres rares qu’exerce Pékin.
Dans une déclaration faite à l’issue du sommet bilatéral, le ministère du Commerce chinois se limite en effet à s’engager à la suspension des contrôles sur les exportations annoncés le 9 octobre (BLOCSPRO#1), et qui devaient entrer en application ce week-end.
Or, ces mesures ne constituait qu’un resserrement drastique, des restrictions mises en place depuis le mois d’avril (BLOCS#65), officiellement en réponse à la guerre commerciale de Donald Trump, mais qui ont de fait touché par ricochet d’autres pays, dont ceux de l’UE.
Et ces restrictions, qui ont déjà provoqué de lourds dégâts dans l’industrie automobile européenne, devraient a priori rester en place. Reste à savoir si l’administration chinoise continuera de les appliquer avec autant de zèle...
Dans cet imbroglio, les Européens ne paraissent être que spectateurs.
La Commission a certes dévoilé cette semaine - soit six mois après le début des restrictions - un plan visant à sortir de la dépendance chinoise en matière de terres rares.
Les Vingt-Sept ont aussi récemment évoqué la mise en place de contre-mesures fortes (BLOCSPRO#1) face à Pékin.
L’UE n’en est pas moins apparue comme prise de cours ce jeudi. « Nous ne commentons pas les négociations commerciales entre pays tiers, mais, bien sûr, en principe, nous saluons tout ce qui permet d’éliminer les barrières qui entravent les flux commerciaux internationaux, a ainsi déclaré jeudi le porte-parole de la Commission Olof Gill.De son côté, l’UE est complètement concentrée sur sa propre discussion avec la Chine, notamment pour ce qui concerne les terres rares ».
Européens et Chinois doivent en effet se retrouver ce vendredi pour une réunion technique de haut niveau au sujet des terres rares… qui aura sans doute comme thème principal les conséquences de l’accord Xi-Trump.
Aussi au menu des discussions, un autre dossier dans lequel les Européens apparaissent comme les victimes collatérales du conflit sino-américain : la nébuleuse affaire Nexperia (BLOCSPRO#2), du nom de cette entreprise de semi-conducteurs fondée aux Pays-Bas mais rachetée en 2018 par le groupe chinois Wingtech Technology.
Tout part de la décision surprenante, prise début octobre par le gouvernement démissionnaire néerlandais, de prendre le contrôle de Nexperia en invoquant une loi de 1952 jamais appliquée jusque-là, qui autorise l’État à interveniren cas de menaces graves sur l’approvisionnement du pays ou sur sa sécurité.
Cette décision, qui empêche en pratique l’entreprise de prendre des décisions sans l’accord de La Haye, a très vraisemblablement été causée par la pression des États-Unis, qui ont placé fin 2024 Wingtech Technology sur leur liste noire et menaçaient d’y placer aussi Nexperia.
La décision néerlandaise a en tout cas provoqué l’ire de Pékin, qui a presque immédiatement décidé de suspendre les exportations de puces Nexperia des sites de production asiatiques de l’entreprise vers l’Europe.
Une contre-mesure qui plonge donc une nouvelle fois l’automobile européenne dans une situation délicate. Nexperia produit en effet plus de 110 milliards de micropuces par an, et de nombreux constructeurs et équipementiers en sont dépendants, au moins à court terme.
« Nous nous trouvons dans une situation où l'UE est non seulement victime collatérale de la rivalité technologique sino-américaine, mais devient aussi l'instrument et la cible de cette guerre des éléphants,analyse cette semaine Iana Dreyer, la rédactrice en chef du média en ligne Borderlex, dans un édito acerbe consacré à l’affaire.L'autonomie stratégique, objectif phare du premier mandat d'Ursula von der Leyen, sonne aujourd'hui comme une plaisanterie de mauvais goût ».
LENTEUR STRATÉGIQUE □ L’Union européenne adoptera-t-elle un jour la suppression des droits de douane sur les produits industriels américains promise à Donald Trump par Ursula von der Leyen fin juillet ?
Le doute est permis, au vu du faible entrain des institutions européennes à œuvrer en ce sens.
La Commission avait certes fait montre de bonne volonté en présentant, dès la fin du mois d’août, un projet de règlement visant à faire de cette très forte concession une réalité, ainsi qu’un autre, traitant de certains produits agricoles et issus de la pêche (BLOCS#80).
Jeudi 23 octobre, le président de la commission du commerce international du Parlement européen, le social-démocrate allemand Bernd Lange, rapporteur sur ce texte, a toutefois donné à penser que le processus législatif était bien loin d’aboutir.
« J’ai étudié en détail la déclaration commune ainsi que les deux propositions législatives de la Commission, première étape de la mise en œuvre de l'accord entre les États-Unis et l'Union européenne. Et je ne suis pas vraiment satisfait de ces propositions, et ce pour plusieurs raisons », a ainsi déclaré, non sans malice, le parlementaire devant la presse, à laquelle il présentait son projet de rapport.
Ce projet, qui doit encore être débattu et amendé par les eurodéputés, maintient, certes, la proposition de baisse des tarifs et la liste de produits concernés dressé par la Commission, mais y ajoute plusieurs conditions.
M. Lange propose notamment de supprimer temporairement de cette liste les produits dérivés de l’acier et de l’aluminium, qui sont frappés de droits de douane de 50% par Washington, suite à une décision récente du Département du Commerce américain. « Il est inacceptable que ces mesures imposées après l’accord soient toujours en vigueur », a insisté le rapporteur.
L’Allemand entend aussi mettre en place une clause de suspension renforcée dans le cas où Washington ne respecterait pas sa part du contrat, ou exercerait une forme de coercition, « afin d'empêcher ou d'obtenir la cessation, la modification ou l'adoption d'un acte particulier par l'Union ou un État membre ».
Par ailleurs, il entend insérer une clause de sauvegarde menant à un retour automatique des droits de douane en cas d’augmentation d’au moins 10%, ainsi qu’un délai de 18 mois pour qu’une solution respectant les règles de l’OMC soit trouvée pour encadrer les relations commerciales transatlantiques.
Autant d’amendements qui paraissent modifier la substance-même de l’engagement pris par la présidente de la Commission au nom de l’UE fin juillet, et pourraient ne pas être du goût des États membres.
Ces derniers ne semblent toutefois pas très pressés de définir leur position. Interrogée par BLOCS PRO, une représentante de la présidence danoise du Conseil n’a d’ailleurs pas pu dire si une réunion des Vingt-Sept avait déjà eu lieu à ce sujet au niveau technique.
Selon Bernd Lange, il ne faut pas attendre d’accord interinstitutionnel avant le mois de mars ou d’avril au moins.
« La dimension parlementaire va être passionnante, et potentiellement explosive pour l’Europe, commente François Chimits, responsable de projets Europe à l’Institut Montaigne. Les parlementaires vont avoir toutes les difficultés du monde à valider ce texte signé sous la menace de la canonnière tarifaire américaine. Or, Trump ne manquera pas de réagir. Côté européen, tous les acteurs vont certainement chercher à repousser autant que possible les votes sur ce texte ».
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Qui paye les droits de douane américains ?
« Nous allons devenir une nation de tarifs. Ce ne sera pas un coût pour vous. Ce sera un coût pour les pays tiers. Je n’augmente pas vos impôts. J’augmente ceux de la Chine et de tous ces pays d’Asie et du monde entier, y compris l’Union européenne d’ailleurs, qui est l’un des plus flagrants.»
C’est dans ces termes que Donald Trump - à cette époque encore candidat - vendait son projet de guerre commerciale, pendant un évènement de campagne en septembre 2024.
En principe, la mécanique est pourtant sans équivoque : le droit de douane est une taxe déboursée par une entreprise américaine sur les marchandises importées du reste du monde.
Le discours du candidat Trump relèverait-il donc du vœu pieux ? Exprime-t-il simplement une contre-vérité ? Ou peut-être y’a-t-il quelque chose qui nous échappe ?
Si on lui accorde le bénéfice du doute, il existerait en principe un scénario dans lequel les partenaires commerciaux des US absorberaient la facture de la guerre commerciale : celui où leurs entreprises réduisent leurs prix de vente à un tel degré que les coûts sont in fine inchangés pour l’importateur américain.
L’hypothèse sous-jacente est que l’accès au marché américain serait tellement indispensable que les exportateurs étrangers préféraient voir une érosion massive de leurs marges, plutôt que risquer d’y perdre accès. Si cela est vrai, on devrait assister à une contraction massive des prix des produits traversant les frontières étasuniennes.
Que dit la donnée ? Entre février et août 2025 (dernière observation disponible en raison du shutdown), les prix des marchandises importées ont augmenté de 0,6% ; un rythme de croissance plutôt lent, mais dans l’ensemble assez classique sur un semestre.
En examinant les chiffres à la loupe, on peut certes citer une poignée de marchandises dont les prix à l’import (hors droits de douane) baissent visiblement sur cette période : l’aluminium (-7,7%), le bois (-5,5%), les boissons (-9,8%) dont particulièrement les spiritueux (-18,5%), ou encore des produits manufacturés divers à faible valeur ajouté, d’origine majoritairement chinoise (-2,4%).
Mais l’un dans l’autre, de ce que l’on peut voir dans les statistiques officielles, l’absorption des droits de douane par l’exportateur demeure pour l’instant l’exception et non la règle.
Une fois ce scénario écarté, le poids de l’ajustement ne peut être porté que par les entreprises et le consommateur américain. Il est vrai que, depuis le début de la guerre commerciale, l’inflation américaine a tendance à surprendre à la baisse par rapport aux prévisions, se stabilisant aujourd’hui autour du 3%.
Ce constat est à l’origine des discours du type « l’inflation tarifaire est partout, sauf dans les chiffres », particulièrement répandus outre-Atlantique. Jusqu’à l’été 2025, l’économie américaine était dans une claire trajectoire de désinflation, planant tranquillement en direction de la cible de 2% de la Fed.
Bien que le chiffre de 3% soit moins spectaculaire que les quasi 10% de 2022, les droits de douane sont en train de prolonger inutilement une longue période d’inflation au-dessus de la cible ; à un moment où les ménages ont épuisé les excédents d’épargne hérités de la pandémie et où le marché du travail est beaucoup moins favorable au travailleur.
Par ailleurs, la Fed serait sûrement plus avancée dans son programme de coupe de taux ; un retard qui crée des coûts d’endettement très concrets pour les entreprises, les ménages et l’État.
Enfin, l’effet des droits de douane devient encore plus manifeste lorsqu’on isole les catégories de dépenses qui sont, dans les faits, concernées (voir graph).
Techniquement, l’inflation est mesurée comme la variation annuelle de l’indice des prix à la consommation ; un panier de dépenses comprenant les loyers, ou encore le prix d’une coupe de cheveux. Si on s’intéresse aux prix des marchandises (en excluant l’énergie et l’alimentaire en raison de leur volatilité), on constate clairement l’inversion de la tendance déflationniste qui a tiré l’inflation globale vers le bas en 2024.
En résumé, la tariff inflation monte peut-être plus lentement et moins violemment que prévu, mais elle est bel et bien présente.
Entre une transmission aux exportateurs pas vraiment significative et une inflation moins forte qu’attendue, une conclusion logique émerge : le plus gros des coûts retombe sur l’appareil productif américain. Le secteur automobile, qui figure parmi les plus ciblés dans l’escalade tarifaire, peut servir de cas d’école.
Jim Farley, CEO de Ford, affirme que 20% du résultat mondial de son entreprise « est en train de s’évaporer dans les tarifs douaniers». Stellantis (BLOCSPRO#2) et General Motors anticipent le malus annuel lié directement aux droits de douane à, 1,5 et 3,5 milliards de dollars. S’agissant des acteurs plus discrets de la chaîne de valeur, les faillites de Tricolor (société de prêt pour l’achat de voitures) et de First Brands (équipementier) sont des oiseaux de mauvais augure.
Certains matériaux intermédiaires, comme les métaux ou le bois (BLOCSPRO#1), n’ont pas de prix de consommation à proprement parler, mais la hausse de leurs coûts vient perturber un secteur de la construction déjà assommé par un marché immobilier à l’arrêt.
Il est encore trop tôt pour dégager un bilan définitif des dommages, mais, pour l’heure, le gros du choc commercial qu’est la deuxième administration Trump semble plutôt porté par les Américains.
Marcos Carias, économiste pour l’Amérique du Nord, Coface
CINEMA □ L’industrie du cinéma européenne ne paraît pas plus préoccupée que cela par les menaces de droits de douane de 100% sur les films produits à l’étranger, réitérées par Donald Trump fin septembre. « Bien sûr, nous préfèrerions éviter de telles sanctions, maispour nous, le marché américain n’est pas essentiel, car les Américains consomment malheureusement pas tant de films européens que cela, explique un représentant des intérêts du secteur. On a par ailleurs du mal à croire que M. Trump va vraiment mettre en place des droits de douane qui toucheraient très fortement l’industrie américaine; celle-ci tourne en effet beaucoup à l’étranger et, en particulier, en Europe, où les prix sont bien moins élevés qu’aux États-Unis, grâce, notamment, à de fortes incitations fiscales ». L’interlocuteur de BLOCS PRO s’inquiète bien plus du devenir des obligations de tournage dans l’UE auxquelles sont pour l’heure soumis les diffuseurs étrangers. Ces obligations agacent en effet tant les géants américains (Netflix, Disney+, Amazon Prime…) que leur président. « Le scénario cauchemar, ce serait qu’il obtienne une suppression de ces obligations en contrepartie de la levée de sa menace de droits de douane et du maintien du système d’incitations fiscales européennes », explique-t-il. Ces obligations de tournages locaux seront rediscutées au cours de la révision de la directive « Services de médias audiovisuels» (SMA), prévue pour le troisième trimestre 2026.
CLIMAT □ Les ambitions climatiques de l’UE (BLOCSPRO#2) pourraient se retrouver sensiblement revues à la baisse, lors du conseil des ministres de l’Environnement des Vingt-Sept prévu mardi prochain, à en croire une source proche du dossier. Si l’objectif de réduction de 90% des gaz à effet de serre d'ici 2040 préconisé par la Commission européenne devrait bien être maintenu, il pourrait être atteint grâce à l’acquisition de crédits carbone internationaux (crédits achetés à des pays tiers), à hauteur de 5, voire 10% du total - et non plus 3%, comme dans la proposition de la Commission. Le suspense reste par ailleurs entier sur le degré d’engagement de décarbonation à horizon 2035, que l’UE est censé présenter en amont de la COP 30 de Belém (Brésil), qui débute le 10 novembre.
MERCOSUR □ Alors que l’accord UE-Mercosur (BLOCS#73) doit être officiellement adopté le 20 décembre, selon le calendrier fixé par la Commission, la France continue d’étaler ses hésitations. La semaine dernière, Emmanuel Macron a ainsi fait part de sa satisfaction à l’égard des mesures de sauvegarde proposées début octobre par la Commission… tout en laissant planer le doute sur la position qu’adopterait la France au cours du processus de ratification qui doit se dérouler dans les prochaines semaines. De quoi irriter ses partenaires. « A priori, il y a toujours un réflexe consensuel en Europe : on préfère de loin un accord approuvé par tous les pays. En même temps,la règle de la majorité qualifiée est là pour être respectée, prévenait ainsi cette semaine un diplomate européen.Les grands États ne peuvent pas faire exception et se voir accorder un droit de veto absolu.Autrement, c’est le fonctionnement de l’UE qui est remis en cause». La règle de la majorité (réunir au moins 15 États représentant au moins 65% de la population de l’UE) permettrait en effet de se passer du soutien de Paris et de Varsovie, les deux dernières capitales qui ne soutiennent pas clairement l’accord avec les pays sud-américains.
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NOUVELLE-ZÉLANDE □ L’UE et la Nouvelle-Zélande ont tenu la première réunion du comité commerce de l’accord de libre-échange qui les lient, lors du sommet d’affaires organisé le 24 octobre à Auckland. Maroš Šefčovič, le commissaire européen au Commerce et à l'Industrie et Todd McClay, le ministre néo-zélandais du Commerce ont réuni pour l’occasion plus de 400 chefs d’entreprises et personnalités politiques des deux régions. Saluant la hausse de 8% des échanges - soit 21,6 milliards d’euros supplémentaires depuis l’entrée en vigueur de l’accord signé en mai 2023 (BLOCS#1) -, le second a déclaré : « Ce sommet ouvrira des perspectives pour le commerce en créant des opportunités de croissance et d’investissement pour les entreprises, et nous aidera àatteindrenotre objectif de doubler la valeur des exportations en dix ans ». L’UE s'est par ailleurs engagée à ce que l’application du règlement anti-déforestation (BLOCSPRO#2) « n’ait [pas] des effets indus sur les producteurs, exportateurs et échanges commerciaux néo-zélandais» dans le communiqué de presse publié à l’issue de la rencontre. La déclaration commune promeut aussi le renforcement du partenariat stratégique sur la question des terres rares ou des technologies digitales. L'UE est le troisième partenaire commercial de l’archipel du Pacifique Sud avec des importations dominées par les produits agricoles - notamment les animaux vivants, les produits d’origine animale et les produits végétaux -, tandis que ses exportations vers la Nouvelle-Zélande concernent principalement les machines et appareils, le matériel de transport et les produits chimiques.
COMMISSION EUROPÉENNE □ La Commission a dévoilé la semaine dernière à Bruxelles son programme de travail pour l’année 2026, intitulé « Le moment de l’indépendance européenne». Sur le plan commercial, la feuille de route prévoit notamment de nouvelles initiatives au deuxième trimestre pour réformer les marchés publics afin d’y instaurer plus d’ouverture et de réciprocité avec les pays tiers ; elle prévoit aussi la création d’un « centre des matières premières critiques » pour surveiller et agir sur les stocks de ces matières qui cristallisent les tensions du commerce mondial. Le document expose également son ambition de réviser le règlement sur les semi-conducteurs au premier trimestre de l’année 2026 (annoncé initialement au troisième trimestre) et prévoit un Cloud & AI Development Act au troisième trimestre. L’exécutif européen entend, par ailleurs, renforcer l’intégration européenne par la mise à jour de son « European product Act », qui vise à une normalisation/standardisation des techniques de production et des mécanismes de contrôle de marché. La Commission s’engage, enfin, à proposer, au premier trimestre 2026 un cadre unique pour les entreprises innovantes du bloc, dénommé 28e Régime, et qui avait été présenté par Ursula von der Leyen à Davos en janvier 2025. À noter aussi, la persistance du soutien à l'industrie énergétique et de défense et l’amplification du mouvement de simplification réglementaire par le biais des paquets dits « omnibus». Enfin, l’annexe IV du document identifie des propositions dont l’adoption ne serait « plus dans l’intérêt général, compte tenu de leur date d’adoption, de l’absence de progrès dans le processus législatif, de la charge potentielle qu’elles représentent ou de leur non-alignement avec les priorités de l’Union ». À ce titre, l’exécutif européen a décidé de retirer plusieurs textes, tels que la proposition de taxe sur les transactions financières, le règlement relatif au processus de Kimberley, sur le commerce des diamants bruts ou encore la directive sur le transport intermodal des marchandises, ainsi que plusieurs projets fiscaux liés aux nouvelles ressources propres et au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières — autant de dossiers restés sans consensus ou devenus obsolètes au regard des priorités économiques actuelles de l’Union.
PHILIPPINES □ L’UE et les Philippines ont conclu un 4e cycle de négociations sur un accord de libre-échange, qui s’est tenu à Cebu-City du 20 au 24 octobre. Le projet en discussion vise à permettre à plus de 6 000 produits philippins d’accéder libres de droits au Vieux Continent. Les parties ont abordé la coopération administrative mutuelle en matière douanière, le commerce et le développement durable, les échanges de biens, de services et d’investissements, le commerce numérique, la propriété intellectuelle, la concurrence et les règles d’origine. Ont également été discutés : les marchés publics, les obstacles techniques au commerce, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les entreprises publiques, les instruments de défense commerciale, l’énergie et les matières premières, ainsi que les dispositions relatives au règlement des différends, aux exceptions et aux institutions. « Je peux dire que ce fut une rencontre productive. Nous avons accompli des progrès remarquables dans les négociations» a déclaré sur ViberAllan B. Gepty, Secrétaire adjoint au développement industriel et à la politique commerciale au sein du ministère du Commerce et de l’Industrie philippin. Selon le responsable, les Philippines et l’UE devraient tenir le 5e cycle de négociations en janvier ou février 2026, pendant lequel ils espèrent trouver un accord. Ces négociations, entamées en 2015, avaient été interrompues en 2017 en raison de l’attitude hostile de l’ancien président philippin Rodrigo Duterte et des inquiétudes de l’UE quant au respect des droits humains dans l’archipel.
CHIMIE □ La Commission européenne a lancé mardi 28 octobre son Alliance pour la chimie, prévue par son Plan pour la chimie présenté le 8 juillet. Cette structure a vocation à réunir l’ensemble des parties prenantes du secteur pour jouer le rôle de vigie publique-privée, afin d’« anticiper les fermetures de sites, prévenir les ruptures d’approvisionnement et coordonner les besoins urgents d’investissements ».
INDE □ Sabine Weyand, la directrice générale du Commerce au sein de la Commission européenne, se déplacera la semaine prochaine à New Delhi pour tenter de faire aboutir les négociations autour d’un accord de libre-échange entre l’UE et l’Inde (BLOCS#77). Elle espère ainsi satisfaire l’espoir d’Ursula von der Leyen de voir un accord conclu d’ici la fin de l’année (BLOCSPRO#1).
PARLEMENT EUROPÉEN □ Après le rejet par le Parlement européen, mercredi dernier, de la proposition de simplification des directives sur le devoir de vigilance et le reporting extra-financier des entreprises (BLOCSPRO#2), que le chancelier allemand Friedrich Merz a qualifié de « décision erronée et fatale, qui doit être corrigée », la présidente de l’institution, Roberta Metsola, a déclaré qu’elle répondrait favorablement à la demande du Conseil de l’UE « d’aller chercher les voix là où elles se trouvaient » pour faire voter le texte, ce qui a suscité l’indignation de plusieurs observateurs, à l’instar de la Matinale européenne dans son édition de mardi. Le Parlement sera à nouveau saisi de la question lors de son assemblée plénière des 12 et 13 novembre.
DÉFORESTATION □ Une « majorité d’ambassadeurs des États membres de l’UE » s’est positionnée, mercredi 29 octobre, en faveur d’une généralisation du report de l’entrée en vigueur du règlement anti-déforestation, selon les informations d’Euractiv. Une demande en opposition avec la proposition de la Commission européenne de la semaine dernière, qui a maintenu, à la surprise générale, la date d’entrée en vigueur au 31 décembre 2025, tout en proposant plusieurs ajustements (BLOCSPRO#2). Le Conseil de l’UE devra trouver un compromis avec le Parlement européen et parvenir à un accord définitif avant la dernière session plénière du Parlement de l’année, qui se tiendra le 15 décembre. À défaut, le texte entrera en vigueur sans modification.
PETITS COLIS □ L’UFC Que Choisir a alerté sur la dangerosité des produits à bas coûts chinois vendus par les plateformes Shein et Temu, dans son enquête « Petits prix, maxi-risques » parue jeudi 30 octobre. Alors que les douanes européennes tentent de juguler l’afflux des quelques 4,6 milliards de petits colis importés en Europe chaque année (BLOCSPRO#1), l’organisation de consommateurs relève que « 69 % des produits testés ne répondaient pas aux normes en vigueur dans l’UE et 57 % faisaient courir un risque réeld’intoxication, d’allergie, d’étouffement, de brûlure ou d’incendie à leurs utilisateurs ».
CHINE □ Pour leur première rencontre en six ans, Donald Trump et Xi Jinping ont convenu mercredi mercredi 29 en Corée du Sud, d’une « trêvecommerciale d’un an », incluant la suspension des contrôles à l’exportation sur les terres rares et technologies liées aux micropuces annoncées le 9 octobre; un deal complet pourrait voir le jour au printemps, lors de la visite du président américain à Beijing, comme le rapporte le Financial Times. L’accord, qui sera réétudié chaque année selon le président américain, permettra la réduction des tarifs douaniers instaurés au nom de la crise du fentanyle de 20% à 10%, portant le niveau moyen des droits de douane américains sur les produits chinois à 47%; il promet aussi une détente sur les mesures prises contre les armateurs chinois (BLOCS#76). Sur le dossier dossier Nvidia, Donald Trump a affirmé en avoir discuté avec son homologue chinois (BLOCS#75).De son côté Pekin s’est pour l’heure engagée à reprendre l’achat de soja américain (BLOCSPRO#1) et plusieurs autres produits agricoles.
ASEAN □ Donald Trump a confirmé, lundi 27 octobre, une série d’accords commerciaux avec des pays de l’ASEAN au cours d’un déplacement à Kuala Lumpur, en Malaisie, pour le 47ᵉ sommet régional de l’association. La Maison Blanche a ainsi annoncé des accords avec la Malaisie et le Cambodge, et des accords-cadres avec la Thaïlande et le Vietnam (les promesses avec ces deux derniers pays couvrant environ 68% des 475 milliards de dollars annuels de biens et services échangés entre Washington et les dix membres de l’ASEAN). Le niveau de droits de douanes existant pour chacun de ces pays est maintenu à 19%, et 20% pour le Vietnam.
CORÉE DU SUD □ Le président coréen Lee Jae Myung et son homologue américain, Donald Trump, ont finalisé mardi 28 octobre à Gyeongju en Corée du Sud, l’accord commercial-cadre décidé en juillet, ainsi qu’une déclaration d’intention de « prospérité technologique », en marge du forum de coopération économique pour l’Asie-Pacifique. Le Pays du Matin calme pourra ainsi exporter l’ensemble de ses produits aux États-Unis moyennant des droits de douane additionnels limités à 15% - un soulagement pour son industrie automobile jusque-là toujours soumise une taxe de 25%, 10% de plus que son voisin et principal concurrent, le Japon. En contrepartie, Séoul s’engage a investir 350 milliards de dollars au pays de l’Oncle Sam, comme l’a déclaré le président américain sur son réseau social Truth.
JAPON □ Les États-Unis et le Japon ont conclu un accord-cadre sur les terres rares pour sécuriser leurs chaines d’approvisionnement face aux restrictions chinoises (BLOCS#65), lors de la visite de Donald Trump à Tokyo mardi 28 octobre.
ACIER □ Le sidérurgiste Novasco (ex Ascometal), grand nom français des aciers spéciaux à destination du secteur automobile, est attendu aujourd’hui devant le tribunal de commerce de Strasbourg pour être fixé sur sa reprise ou sa liquidation, alors que trois offres de reprises partielles ont été déposées. Après quatre redressements judiciaires en 11 ans et de nombreux déboires, le fleuron tricolore pourrait ainsi disparaître au moment-même où la protection du secteur de l’acier s’impose comme un mot d’ordre au niveau européen (BLOCSPRO#1).
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Cette édition a été préparée par Mathieu Solal, Alexandre Gilles-Chomel et Sophie Hus-Solal.
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